On le sait, l’obésité est source de très nombreuses complications. Il est un fait acquis qu’elle augmente aussi bien le risque que le nombre de cas de maladies cardiovasculaires, et de diabète notamment. Elle aggrave aussi sensiblement les phénomènes d’arthrose (genoux, hanches…). Mais on est moins conscient que l’obésité est une des principales causes du cancer.
Une piqûre de rappel n’est pas inutile. L’obésité est médicalement définie par le rapport poids/taille avec pour base de calcul, l’indice de masse corporelle (IMC) que l’on obtient en divisant le poids (en kilos) par le carré de la taille (en mètre). Par exemple, une personne d’1,70 m et de 65 kg aura un IMC de
65/(1,7)² = 22,5. Les spécialistes ont établi des normes pour cet indice : en dessous de 18,5, on parle de maigreur ; entre 18,5 et 25, de corpulence normale ; entre 25 et 30, de surpoids ; entre 30 et 35, d’obésité ; entre 35 et 40, d’obésité sévère ; enfin, au-dessus de 40, d’obésité morbide. Ainsi, quand on évoque l’obésité, on évoque donc des personnes ayant un IMC supérieur à 30.
Des chiffres qui… gonflent
Le nombre de personnes obèses ne cesse d’augmenter. Pendant longtemps, l’obésité touchait surtout les pays riches. Aujourd’hui, ce sont surtout les personnes des milieux défavorisés qui sont les plus concernées par ce fléau. L’incidence de l’obésité a doublé entre 1980 et 2008. Dans le monde, on compte 500 millions de personnes obèses. En France, on a atteint le nombre impressionnant de 7 millions de personnes obèses, soit 15 % de la population et… 48 % des Français sont au moins en surpoids (IMC supérieur à 25). Mais au-delà de l’obésité, ce sont ses conséquences qui sont inquiétantes.
Les liaisons dangereuses
Aux États-Unis, la mortalité liée à l’obésité a dépassé la mortalité liée au tabagisme. C’est la 5e cause de mortalité dans le monde et la 3e cause dans les pays riches. L’obésité tue directement 3 millions de personnes chaque année dans le monde.
En 2008, Walter Willet, directeur du laboratoire de recherche en santé publique de la célèbre université Harvard affirmait que 15 à 20 % des cancers étaient directement liés à l’obésité.
Ces chiffres sont en constante augmentation, au même rythme que ceux de l’obésité. Et nombre de scientifiques pensent que l’obésité dépassera bientôt le tabagisme comme cause du cancer. Dès 2002, une étude écossaise montrait que l’obésité augmentait le risque de cancer de 20 % chez les hommes et de 30 % chez les femmes.
Des cancers plus fréquents et surtout plus graves
Aujourd’hui, on pense que la plupart des cancers sont favorisés par l’obésité. Mais cela est particulièrement vrai pour les cancers hormonodépendants et pour les cancers digestifs.
Une méta-analyse de 2008 montrait qu’une hausse de 5 points de l’IMC (quand il passe donc de 25 à 30) augmente les risques de cancers de l’œsophage (+ 52 %), de la thyroïde (+ 33 %), du côlon et du rein (+ 24 % chacun) chez l’homme. Chez la femme, l’élévation du risque de cancers de l’endomètre et de la vésicule biliaire est la plus importante (+ 59 %), devant l’œsophage (+ 51 %) et le rein (+ 34 %). L’association entre l’augmentation de l’IMC et le cancer du côlon était plus forte pour les hommes que pour les femmes.
En 2004, les liens entre cancer du sein et obésité avaient été étudiés de façon spécifique et les auteurs indiquaient : « Si l’obésité est connue comme favorisant le cancer du sein, un travail rétrospectif montre qu’elle induit en outre une augmentation de la mortalité liée à ce cancer. » Cette étude montre que, par rapport aux femmes de poids inférieur à 60 kg, celles qui pèsent plus de 79 kg ont 2,5 fois plus de risque de mourir de leur cancer du sein !
La même étude montre un lien contraire avec l’activité physique : les femmes qui ont une activité physique élevée ont 67 % moins de cancers du sein que celles qui ont un profil d’activité physique bas.
Une étude de 2011 sur le cancer de la prostate conclut : « On savait que l’obésité augmente le risque de cancer, ces données montrent en outre que le cancer est plus grave dans ce cas. » En effet, chez l’obèse déclarant un cancer de la prostate, tous les critères de gravité sont statistiquement plus élevés. Et cela explique pourquoi les patients ayant un IMC supérieur à 30 ont plus de récidives de leur cancer de la prostate.
Une dernière publication sur le cancer du pancréas ? Connaissant le lien entre obésité et ce type de cancer, des scientifiques ont voulu savoir si la consommation de sucre était en rapport direct. Aucune relation n’a pu être démontrée avec la consommation de glucides totaux. En revanche, les femmes qui consommaient le plus de sucres rapides avaient 1,5 fois plus de risques de développer un cancer du pancréas (un des plus graves). Mais la plus forte corrélation a été trouvée chez les femmes avec un IMC supérieur à 25 et une activité physique basse.
Pourquoi l’obésité augmente-t-elle le risque de cancer ?
Nous n’avons pas encore pu tout expliquer sur ce lien, mais plusieurs pistes sont largement confirmées. La plus importante est en relation avec l’insuline. Nous savons que les cellules cancéreuses se nourrissent préférentiellement de sucres et qu’elles sont stimulées par l’insuline. L’excès de consommation de sucre est une des principales causes de l’obésité. L’excès de consommation de sucre est donc un facteur commun d’augmentation du risque d’obésité et de cancer. En ligne de mire, l’insulinorésistance qui implique que l’insuline devient moins efficace.
Ce qui a deux conséquences :
- un taux de sucre circulant plus élevé et plus disponible pour nourrir les cellules cancéreuses ;
- une sécrétion d’insuline plus élevée, or cette hormone stimule la croissance des cancers.
Autre facteur bien admis, la relation entre activité physique et obésité, et donc la relation entre activité physique et cancer. Il est démontré que pratiquer 30 minutes d’activité physique quotidienne est un des moyens de prévention des cancers les plus efficaces. C’est aussi une excellente façon de stabiliser son poids.
Une troisième piste vient expliquer le lien entre cancer et obésité : plus on est gros et plus nos cellules graisseuses sécrètent des hormones et en particulier des œstrogènes. C’est une des explications avancées pour expliquer l’augmentation des cancers hormonodépendants chez l’obèse.
C’est ce même phénomène qui peut expliquer des cancers de la prostate plus graves et la moindre efficacité des traitements du cancer du sein chez l’obèse.
Une quatrième piste est avancée et largement étudiée depuis quelques années : la micro-inflammation chronique en lien avec le surpoids. Par exemple, chez la femme obèse, on note une inflammation significative de la graisse viscérale mais aussi de celle de la glande mammaire, avec élévation des médiateurs pro-inflammatoires (TNF alpha, IL1 bêta et COX2) qui sont des facteurs favorisants du développement des cancers.
Comment réduire le risque ?
La réponse à cette question paraît simple : ne pas grossir, ou bien perdre les kilos superflus. Plus facile à dire qu’à faire ! Si le nombre d’obèses ne cesse d’augmenter, c’est bien que les conditions de vie actuelles sont favorables à la prise de poids : de moins en moins d’activité physique, des publicités continuelles pour des aliments riches en sucres et une vie stressante qui ne permet pas toujours d’avoir la sérénité nécessaire pour entreprendre un régime.
La première chose à faire, quel que soit votre poids actuel, serait d’arrêter de grossir ! Le meilleur moyen de stabiliser son poids est sans aucun doute de pratiquer une activité physique régulière. Pas besoin d’être un grand sportif : 30 minutes de marche active par jour sont largement suffisantes.
Ensuite, réduire drastiquement les aliments qui font grossir et sont, par ailleurs, néfastes pour la santé. En premier lieu, réduire votre consommation de sucres rapides : aliments sucrés, sodas, biscuits, desserts lactés, céréales du petit-déjeuner et pain blanc.
Ensuite, éviter les mauvaises graisses, à commencer par les graisses trans et les fritures. Mais aussi les margarines et les viandes grasses ou en sauce ainsi que le fromage.
Attention à l’alcool (on peut conserver sans problème un verre de vin rouge par jour) et aux excès alimentaires en général.
Si vous avez déjà un surpoids significatif, vous aurez peut-être envie de faire une démarche d’amaigrissement. Dans ce cas, il est prouvé que les personnes qui arrivent le mieux à leur but sont celles qui se font aider par un professionnel et qui font l’effort de modifier durablement leur comportement alimentaire.
Pour plus de renseignements sur ces démarches et éventuellement pour commencer à perdre un peu, je vous suggère le livre que j’ai coécrit avec le Dr Ève Villemur : « Maigrir par la nutrition comportementale » (éd. Thierry Souccar) où vous trouverez de nombreux conseils pour commencer à perdre du poids sans faire d’erreurs diététiques ou comportementales. Et si vous n’êtes pas concerné par ces problèmes, n’hésitez pas à en parler autour de vous, car il est important que les personnes obèses trouvent des motivations afin de mieux contrôler leur poids.
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Principes de santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé