À l’occasion de diverses recherches facilitées par l’imagerie médicale, l’hypnose se voit réhabilitée. Dans des indications multiples, les résultats sont au rendez-vous. Deux bémols toutefois : l’hypnose peut prendre du temps et une approche fondée exclusivement sur l’hypnothérapie ne suffit pas forcément. Explications.
Dès les années 1930, Pierre Janet estimait que l’hypnose avait été trop vite rayée du monde de la science et de la thérapie. L’époque semble lui donner raison. Même si trouver une définition commune n’est pas aisé. Toutefois, a minima, on s’accorde à dire que l’hypnose est un état de « conscience modifiée ». Le sommeil n’est pas sa caractéristique principale, les sujets étant pour la plupart éveillés. Différence essentielle : l’attention est extrêmement focalisée.
Si l’hypnose n’est pas le sommeil, on retrouve chez les sujets hypnotisés une baisse de tension dans les yeux qui témoigne d’un relâchement global du système nerveux comme lorsque l’on dort. Par ailleurs, certains mouvements oculaires sont constatés, comme lors d’un rêve. Les suggestions proposées par le thérapeute permettent au mental de lâcher certaines barrières et de s’ouvrir à des « ressources intérieures » – peu ou pas accessibles – en état normal de conscience. De nouvelles images mentales se forment, activant ou désactivant certaines zones du cerveau. Une fois créées, ces images laisseront une trace permettant des changements de comportement ou de psyché.
En résumé, l’inconscient – version hypnose et non psychanalyse – ne serait pas un lieu de choses pénibles et refoulées, mais source régénérée de connexions à des ressources inexploitées. Et contrairement aux idées toutes faites, la puissance de l’hypnose ne résiderait donc pas chez l’hypnotiseur mais chez l’hypnotisé. Autre façon de dire qu’il n’est de meilleur médecin que soi-même.
Activation ou inhibition du cortex
Les psychothérapeutes ont d’abord mené des recherches sur diverses formes d’hypnose, depuis le docteur Franz Anton Mesmer, le pionnier scandaleux sous Louis XVI, jusqu’au psychiatre américain Milton Erickson, référence contemporaine de l’École de Palo Alto et de la PNL. Mais l’IRM et les neurosciences sont venues lever des doutes et ont incité les médecins à apporter leur contribution. On sait désormais visualiser certaines zones du cortex antérieur inhibées ou activées.
Les études se multiplient. Ainsi celle de Mendelsohn sur la mémoire : certaines régions qui supportent la récupération et le stockage d’informations pourraient être bloquées lors d’une suggestion hypnotique d’amnésie. Autre exemple, celle du britannique McGeown à l’université de Hull : en comparant des sujets répondant ou non à l’hypnose, il a conclu que la diminution d’activité de la zone du cerveau habituellement réservée au rêve ou à l’imaginaire permettrait de se concentrer sur d’autres tâches, ce qui expliquerait les résultats positifs obtenus sous hypnose. L’étude de la « dissociation » entre le corps et la pensée est au cœur de recherches. Mais convaincus déjà, certains services hospitaliers, dont celui de l’hôpital de Liège, en Belgique, comptent depuis plus de quinze ans, et par centaines, le nombre de patients opérés sous anesthésie légère aidée d’hypnose, en lieu et place d’anesthésie générale !
Complément, soutien ou révélateur
Sous monitoring, surveillant en permanence la respiration, le cœur, les mouvements oculaires, le professeur Marie-Elisabeth Faymonville, chef du service anesthésie, conduit une induction longue tandis que le chirurgien procède à une opération. Cette pionnière a étudié à l’aide d’IRM les effets de l’hypnose sur le cerveau. « D’un côté, activation des zones visuelles, sensation et motricité, de l’autre activation d’une autre partie du cerveau, réservée, elle, à la remémoration autobiographique. » Elle a aussi travaillé sur la douleur. Et conclut que « l’hypnose peut être aussi puissant qu’un médicament » et qu’il faut utiliser les processus psychologiques comme l’hypnose pour « gérer la douleur différemment ». Le principe est le suivant : il faut arriver à ce que le patient retrouve le contrôle du fonctionnement de l’organe (les poumons mais aussi le cœur, la peau, l’intestin…) de manière indirecte, c’est-à-dire par la pensée guidée et non par la volonté. En post-opératoire, l’hypnothérapie aide à la cicatrisation, à la rééducation ou à l’adaptation à des prothèses. Le docteur Alain Forster, du CHU de Genève, est notamment connu pour son travail sur la douleur des « membres fantômes ». En cancérologie, elle permet un soutien à la qualité de vie, la réduction des nausées ou vomissements, la lutte contre la douleur ou l’anxiété.
Auteur d’un récent ouvrage, la psychologue et spécialiste en hypnose et EMDR Corinne Van Loey estime que l’on peut aussi aider grandement à faire disparaître, si ce n’est la maladie, du moins le « traumatisme souvent causé par son annonce ». Une étude publiée à Harvard en 2009 fait état de diminutions notables de bouffées de chaleur grâce à l’hypnose chez des femmes opérées d’un cancer du sein. Pour le Groupement pour l’étude et les applications médicales de l’hypnose (GEAMH), créé en 1980 sous l’impulsion du docteur Chertok, « l’hypnose constitue un outil psychothérapeutique puissant dans le traitement des douleurs aiguës et chroniques ».
Au CHU de Grenoble, le professeur Bruno Bonaz, responsable d’une unité de recherche en gastro-entérologie, travaille en hypnothérapie dans le cadre de colopathie fonctionnelle (ou SII, syndrome de l’intestin irritable) qui touche de 7 à 10 % de la population. « On m’adresse les patients quand tout le reste n’a pas marché ! Et l’hypnose fonctionne dans les deux tiers des cas », assure-t-il. Mieux, « même après cinq ans, il a été prouvé que les gens continuent de sentir mieux ». Ce passionné de neurosciences estime que « des anomalies de l’activation cérébrale, visibles en IRM sur le cortex cingulaire, sont modifiables sous hypnose ».
Problème toutefois : le temps et la rentabilité. Les séances durent en moyenne une heure, les patients doivent être suivis sur deux mois au moins environ, à raison d’une à deux fois par semaine. « Sur le long terme, je suis persuadé qu’on est gagnant, mais le discours ambiant nous force à la rentabilité », déplore-t-il.
Les soins pédiatriques gagnent aussi en efficacité. Lors d’un récent congrès de l’Association européenne des praticiens d’hypnose (AEPH), de nombreux cas ont été présentés : agressivité dans la vie familiale ou scolaire, asthme récalcitrant, lésion dermatologique ou bégaiement. L’approche n’est pas exclusive. Djayabala Varma, psychologue clinicien et formateur, a mis au point l’« hypnothérapie intégrative ». Il propose à des personnes présentant des troubles anxieux, phobiques ou dépressifs, un travail holistique associant l’hypnose à des protocoles proches de ceux de la psychanalyse, de la psychologie comportementaliste ou cognitive. L’EMDR (Eye movement desensitization and reprocessing), reconnu comme particulièrement efficace dans les cas de traumatisme (lire dossier p. 12), suppose une partie de travail sous forme hypnotique.
Un univers encore à explorer
Cependant, divers courants s’opposent encore : ceux qui croient au « magnétisme universel » proposé à l’origine par Mesmer, et ceux qui croient ce que l’IRM peut attester. Certains, comme le psychiatre suisse Gérard Salem, estiment nécessaire, avant de travailler, de se mettre eux-mêmes sous hypnose grâce à une pratique de tai-chi-chuan ; d’autres préfèrent insister sur un protocole linguistique très précis. On estime volontiers que tout le monde est hypnotisable, mais que l’on ne peut hypnotiser quelqu’un contre sa volonté. Autrement dit, même une personne qui doute serait hypnotisable, à condition tout de même qu’elle soit d’accord pour entrer dans le processus ! Reste seulement 5 % de non-répondant. « En tout cas, personne ne fera rien sous hypnose qui heurte l’individu qu’il est », précise Marco Paret, l’un des spécialistes et historiens de l’hypnose en Italie, qui a étudié de nombreux protocoles où l’on proposait aux patients des actes violents ou incongrus, tous refusés.
Aucun miracle n’est jamais assuré. Toutefois, la science suppose que nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau. Gageons que l’hypnose peut être une clé majeure d’ouverture à notre continent inexploré. Et à ce qu’un « état de conscience modifié » peut dire de notre « réalité ».
Participer à une séance : à quoi faut-il s’attendre ?
Une séance d’hypnose dure environ une heure, moins chez les enfants. La majeure partie des thérapeutes formés ne feront pas d’induction sans un minimum d’anamnèse (souvenirs clés, accidents, maladies…). Les techniques d’induction sont variées : d’un « Dormez, je le veux » (rare), à des suggestions progressives (« Respirez profondément, vos muscles se détendent, vos paupières sont lourdes, vous êtes dans un lieu merveilleux, etc. »). Certains pratiqueront plutôt un travail dit de « confusion », en donnant plusieurs ordres rapides (« Pensez à la main droite / au pied gauche, dessinez en rouge votre visage, en bleu… »).
Dans tous les cas, le thérapeute restera à l’écoute des mouvements oculaires, de la respiration et de la déglutition. Et cherchera à activer des images ou des actions « ressources » pour le patient. Exemple : on demande au cerveau de réguler la vascularisation des vaisseaux crâniens pour agir sur les migraines ; ou d’imaginer boire une potion et ainsi désengorger le côlon ; ou visualiser des situations qui annihilent les zones d’activation de la douleur dans le cerveau. Selon la formation du praticien, une attention particulière sera consacrée à la circulation énergétique tant chez le patient que sur lui-même. Certaines paralysies partielles de membres peuvent intervenir, elles n’ont pas d’effet secondaire. Le patient se souvient en général du travail. En cas d’opération sous hypnose, le rétablissement est accéléré, le temps de prise en charge raccourci, la fatigue ou la prise de médicaments post-opératoire diminué. Pour les douleurs chroniques, le nombre de séances entre une amélioration et une guérison est très variable (de trois à plusieurs dizaines de séances).
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